La frontière entre le col d’Eyharza et celui de Berdaritz.

Au vu des deux noms propres figurant dans le titre, le lecteur attentif et un peu averti aura immédiatement deviné que le présent épisode se situe de nouveau au Pays Basque. Nous voici aujourd’hui (enfin, ce jour-là, devrais-je écrire, puisqu’au jour d’aujourd’hui on est est déjà fin septembre et que je suis encore et toujours bougrement en retard pour raconter nos modestes aventures) nous voici donc aujourd’hui, disais-je, le 27 avril, et c’est un bon jour pour aller recenser quelques bornes frontière dans la belle vallée des Aldudes, tout juste au sud de Saint-Étienne de Baigorry.

la niche

Nous devons, pour la balade du jour, rejoindre le col d’Eyharza. Pour cela, il faut quitter la D948 en tournant à droite au niveau du village des Aldudes, où tout est calme ce mercredi matin. Pas d’alerte en cours sur la surveillance des brebis, d’après la scène ci-dessus 🙂

col d'Eyharza

Après avoir suivi notre chemin en regardant à la loupe la carte IGN, nous parvenons sans encombre au col d’Eyharza, où nous pouvons sans difficulté garer notre carrosse (il n’y a pas foule…), et où la borne 125 nous attend, comme prévu.

parterre d'euphorbes

Nous sommes ici à 854m d’altitude, et l’herbe n’est pas encore bien haute. Les euphorbes vert fluo attirent le regard, et l’objectif du photographe.

monolithe d'Eyharza

La borne suivante, ou plutôt précédente, puisqu’elle porte le numéro 124, n’en est pas une : c’est une croix numérotée, gravée sur un énorme monolithe gisant depuis des siècles au sommet d’Eyharza. Compte à rebours, aujourd’hui, puisque nous partons de la borne 125 pour terminer à la borne 118, la dernière avant la 117 située au col de Berdaritz, et que nous connaissons déjà.

pente douce

Les pentes sont plutôt douces à proximité de la crête frontière, par ici, et curieusement, certains hêtres ont déjà déployé toutes leurs feuilles alors que d’autres sont encore presque nus.

lamelles

Quelques petits champignons poussent dans l’herbe tendre, en cachant leurs jolis dessous !

toilettage

On a trouvé la croix frontière 123 ! Un petit toilettage s’impose, car elle n’est guère visible.

la croix 123

Débarrassée des lichens et mousses et repassée à la craie, voilà qui est plus lisible !

arbre en fleurs

De jolies fleurs sur les arbustes, il s’agit de prunelliers, je pense, qui fourniront à l’automne le fameux patxaran.

la borne 122 bis

Ici, regardez bien : ce n’est pas la borne 122, c’est la 122bis ! Une belle borne de pierre dressée sur un petit sommet, alors que la borne 122 est en réalité une croix gravée sur un rocher, un peu plus loin.

le chemin sur la crête

Nous continuons à suivre la crête frontière, par des chemins plus ou moins marqués, mais sans aucune difficulté.

bulbocodium

C’est la saison des narcisses bulbocodium ou trompettes de Méduse.

en contrebas

Côté vallée des Aldudes, les pentes sont nettement plus marquées ; suivre la crête, c’est presque comme survoler la vallée.

solitude

Mon guide est loin devant moi, mais je peux quand même le surveiller. Pas de risque de se perdre dans la foule, par ici…

la plume au dos

Sur ces crêtes peu fréquentées, les vautours fauves abandonnent parfois une belle plume d’aile.

les bornes 121

La borne 121 est double, on en a deux pour le prix d’une ! Au loin, en bas, c’est la vallée et le village des Aldudes, où un écobuage est en cours.

fleurs roses

Dans l’herbe, de mignonnes toute petites fleurs roses au ras du sol, je ne les connais pas, il va falloir que je fasse quelques recherches, à moins que quelqu’un puisse m’aider ?

feuillage neuf

Un hêtre et son feuillage tout neuf tout tendre.

les moutons

A un détour du sentier de retour, une petite troupe de brebis qui lèvent la tête pour nous regarder passer.

arbre

Et un bel arbre doté d’une fenêtre d’observation pour finir cette agréable et fructueuse balade sur les crêtes frontière.

L’Ariège dans le vert.

Toutes les nuances y sont, au mois d’avril. Premières feuilles, premières fleurs, encore menacées par d’éventuelles gelées ou chutes de neige, pas si rares à cette saison. Lorsqu’il fait beau et qu’un vent chaud souffle sur la vallée, on peut parfois repérer les morilles à l’odeur qu’elles répandent ! Elles n’ont pas été bien nombreuses, cette année, malheureusement. Trop doux, puis trop froid, ou la Lune qui ne correspond pas bien, allez savoir…

le poirier en fleurs

Le petit poirier transplanté à l’automne nous fait une belle floraison, c’est encourageant pour la suite. Se plaira-t-il à son nouvel emplacement ? On verra bien.

montagnes

A cette saison, la neige est encore abondante sur les sommets, et le Valier est encore bien blanc.

au bord du ruisseau

Au bord du ruisseau, tous les arbres sont couverts de mousses ou de lichens. En avril, le soleil est déjà assez haut pour que ses rayons arrivent jusque là.

le chemin vert

« Notre » chemin avec sa parure printanière.

étoile pâle

Qui a remarqué qu’après avoir soufflé les aigrettes d’une boule de pissenlit, il nous reste encore une petite étoile dans la main ? Celle-ci vous portera bonheur, j’espère.

Les couleurs du val.

Pour poursuivre vers notre but, nous arrivons maintenant à un passage délicat, qui semble cependant le seul envisageable :

le passage délicat (1)

Jean-Marie m’a précédée, et débarrassée de sac et appareil photo, et il en profite pour immortaliser l’instant. Finalement, ce n’est pas si terrible, le rocher accroche bien malgré l’inclinaison.

le passage délicat (2)

C’est Michel qui ferme la marche ; on voit la double balise blanche qui indique que l’on est sur le bon chemin !

dentelles minérales

De nouvelles dentelles de pierre qui  décorent l’intérieur d’une cavité.

le ruisseau

Nous franchissons à gué le ruisseau Gastarrotz, celui même qui a creusé cette petite vallée.

la vallée

On commence à découvrir quelques cavités dans le rocher, en face de nous. Les couleurs sont dans les jaunes, essentiellement.

rouge et noir

Un peu plus bas, c’est une zone où les rouges apparaissent, striés de noir et avec des inclusions jaunes, c’est magnifique.

rouge à pois jaunes

Dans le prolongement, c’est une grande bande rouge creusée sous un surplomb. Étonnante nature !

de plus près

Quelques détails…

l'ensemble

…et une vue d’ensemble de la couche érodée.

formes érodées

Un autre genre de sculpture un peu plus loin.

jeux de lumière

Et les jeux de lumière dans une autre cavité un peu plus haut.

Il est bien sûr impossible d’envisager de visiter chaque creux de roche, il y en a bien trop !

la vallée des couleurs

En commençant à remonter vers la voiture, on voit encore de nombreux affleurements colorés. Vallée des couleurs !

la huppe

Pas très loin de nous, en remontant, nous apercevons une huppe qui picore au sol, quel bel oiseau ! Malheureusement, on ne peut pas trop s’en approcher, elle est craintive.

La côte

Nous dominons de nouveau la côte, rencontre de la mer et de la montagne.

les pins sur la crête

Sur la crête en direction de Pasajes, une rangée de pins esseulés et maigrichons, visiblement éprouvés par les tempêtes.

le vautour

Dans un bruissement d’air, un magnifique vautour fauve passe au-dessus de nos têtes.

les chevaux

Pas la moindre culture dans ces pentes exposées à tous les vents marins, mais l’élevage y est pratiqué, comme on peut le constater avec ces paisibles chevaux profitant de l’herbe printanière. Nous voilà presque à la route maintenant.

la bergerie

C’est d’ailleurs à quelques mètres de celle-ci à peine que nous longeons finalement cette bergerie dont la toiture chargée de grosses pierres témoigne de la puissance des tempêtes océaniques.

Une bien belle balade qui s’achève, on y reviendra, certainement.

En route vers la vallée des couleurs.

Le lendemain, dimanche 10 avril, les pluies et les gros nuages se sont éloignés comme prévu, et le soleil est au rendez-vous pour la balade décalée, malheureusement sans Chami et Jean-Mi, contraints de regagner Toulouse avec un horaire bloqué.

Daniel a reconnu les lieux précédemment, notre but est « el valle de los colores » (la vallée des couleurs) dans le chaînon du Jaizkibel entre San Sebastian et la frontière française, une zone où l’érosion des couches superficielles par un petit ruisseau a révélé des couleurs étonnantes dans la roche sous-jacente.

Parmi plusieurs itinéraires possibles, notre guide a choisi celui qui présente le plus fort dénivelé, mais aussi la plus faible distance à parcourir. On se gare donc à un point assez élevé de la petite route qui serpente à flanc de montagne entre Pasajes et Fontarrabie.

départ

Dès le départ, vue plongeante sur l’Océan, c’est par là en bas, le long de la côte, que se situe l’objectif principal du jour.

début de la descente

On suit de vagues sentiers, il n’y a pas de balisage continu sur l’itinéraire que nous suivons, et le GPS n’est pas de trop. Sur l’horizon, les côtes du Pays Basque espagnol sont visibles très loin aujourd’hui.

balisage officiel

Nous croisons le sentier qui relie Pasajes (Pasaia) à Fontarrabie (Hondarribia) en plus de 20km de rando : trop long pour moi ! Mais il semble désormais fort bien balisé.

l'entrée d'un pré

Nous poursuivons notre descente sur des chemins de traverse. Très peu d’habitations dans toute cette zone à flanc de montagne exposée à toutes les tempêtes océaniques, mais il y a tout de même une maison habitée, protégée derrière une verrue rocheuse. C’est par ici que l’on y accède.

A travers les pins

Nous traversons maintenant une zone boisée, à travers les pins nous pouvons apercevoir la silhouette colorée d’un cargo qui attend son heure pour rentrer dans le port de Pasajes.

Première structure érodée.

Nous ne sommes maintenant plus très loin de la côte, et découvrons dans la paroi à gauche du chemin les premiers « taffoni » (érosion en forme de creux aux formes plus ou moins compliquées), avec leurs étranges structures en nids d’abeilles, résultats de caprices particuliers de la nature, liés aux spécificités du climat. Nous les avons déjà rencontré dans les porphyres de Corse !

Asphodèle

C’est le début de la saison des asphodèles…

Sale tête ...

Verrez-vous comme moi une tête aux yeux enfoncés dans de grandes orbites sombres ? Elle me toisait le long du chemin !

le belvédère

Nous voici maintenant tout près de l’Océan. Mais il n’y a pas d’accès facile…

la côte vers l'Est

…comme on peut bien le voir sur cette image de la côte prise en direction de l’Est, c’est-à-dire de la France.

trichomanès

A un détour du chemin, Daniel m’appelle et m’aide à descendre au fond d’un creux très humide aux parois ruisselantes : il a trouvé un peuplement de ces fameuses et très rares trichomanès remarquables, une fougère qui ne vit que dans des conditions de luminosité, d’humidité et de température très spéciales.

les trous jaunes dans le rocher gris

Le chemin continue, cette fois c’est un rocher à intérieur jaune, d’après la couleur des alvéoles creusées dedans.

la concha

Ici c’est la « concha », d’après certaines cartes très détaillées. Sa forme assez régulière peut en effet rappeler celle d’un coquillage, l’intérieur en est presque blanc.

le pique-nique

Ce n’est pas beaucoup plus loin que nous nous arrêtons pour un pique-nique panoramique sur un rocher en pente dont les alvéoles peuvent offrir des sièges assez confortables, en choisissant bien.

vers l'Ouest

L’Océan a une couleur splendide, aujourd’hui ! Et notre cargo attend encore pour pouvoir entrer à Pasajes.

la morille

Nouvelles sculptures naturelles non loin de là, l’aspect rappelle un peu celui d’une morille… (mmmmm !)

de la terre au ciel

Une belle traînée d’avion dans le ciel pour un petit effet de perspective amusant.

Jean-Marie photographe

Pour qui aime les photos, l’endroit est vraiment propice.

l'oeil et le bec

Ici j’ai cru voir une espèce de tête d’oiseau, avec un œil et un bec.

le bloc coloré

Là les fissures de la roche pourraient faire croire à un bloc de béton encastré. Étonnante palette de couleurs !

la descente

Nous marchons depuis un moment presque parallèlement à la côte, en montant et descendant suivant les caprices du relief.

Les couleurs sont en vue.

Et voilà que nous apercevons enfin le but de notre expédition : les couches colorées révélées par l’entaille creusée par le ruisseau Gaztarrotz, formant ce que l’on appelle « la vallée des couleurs ». Jean-Marie, attendu le soir par son fils à Bordeaux, nous quitte à regret ; quant à nous, il nous reste assez de temps pour aller musarder un peu dans cet endroit exceptionnel, je vous inviterai donc à nous y suivre dès le prochain post…